Migrations en milieu rural — Table ronde #11

Cette séance est la 11e de la série de rencontres publiques “Médias Migrations” organisée en partenariat avec Sciences Po/Ceri (Projet PACE), l’Institut Convergences Migrations et l’association Désinfox-Migrations.

Les difficultés des agriculteurs français et européens ont été au cœur des dernières actualités. Leurs revendications concernent principalement leurs conditions de travail, qui se dégradent. Dans ce cadre, il faut également inclure la question des travailleurs agricoles étrangers, saisonniers ou non, puisque, contrairement à une idée reçue, il y a des personnes étrangères en milieu rural.

Pour mieux saisir les enjeux autour de cette question, les chercheuses et journalistes présentes lors de la rencontre éclaireront la question du travail des étrangers et étrangères auprès des agriculteurs et agricultrices et le traitement médiatique qui lui est réservé.

Intervenantes

Chercheuses 

  • Bénédicte Michalon, géographe, Directrice de Recherche CNRS, Co-directrice de Passages (UMR 5319)
  • Chantal Crenn, anthropologue; Professeure des Universités Montpellier 3 Paul Valéry, Directrice adjointe de l’UMR SENS avec Léa Béthancourt, Anthropologue, Volontaire à Echange et partenariat et Confédération Paysanne

Journalistes 

  • Sonia Reyne, journaliste pigiste en Auvergne, correspondante Auvergne Limousin pour Libération, enseignante en journalisme.

Compte-rendu

Quel est le portrait des migrations dans le monde rural ?

Bénédicte Michalon, rappelle qu’il y a toujours eu des migrations dans les territoires ruraux mais il est vrai que la recherche sociale s’est longtemps consacrée à la présence étrangère en ville. S’il y a eu quelques études pionnières dans les 1980, c’est dans les années 2000 que la recherche se développe par la question du travail agricole. Elle prend de l’ampleur en 2015 avec une augmentation de l’exil et les difficultés d’accueil qui a marqué un intérêt pour les migrations hors ville. 

16 millions personnes vivent dans les campagnes parmi lesquelles ont compte 4% immigrés (alors qu’ils représentent 11% de la population urbaine). Ce taux est stable depuis les années 1970 où il était de 4%. 

Sur leur nationalité, il y a une diversification au cours du temps :  

  • les Européens du Sud (encore 1/3 immigrés) ; 
  • Europe du Nord et de l’Ouest (surtout Britanniques, 11% des immigrés dans les campagnes)
  • l’immigration du Maghreb

1/4 des immigrés dans les campagnes sont issus de l’Europe de l’Est, du Proche et du Moyen-Orient.

Cette immigration rurale est similaire dans d’autres pays européens. 

Pourquoi l’immigration en milieu rural ? Elle est liée au travail bien sûr, surtout jusqu’aux années 1990 mais aussi à ce qu’on appelle la « lifestyle migration » : des migrations motivées par la recherche d’un cadre de vie, surtout celles venant d’Europe du Nord et de l’Ouest avec des profils sociologiques néoruraux. Enfin, il y aussi les personnes en exil, réparties par l’État français. Les hébergements sont dans des petites villes ou villes moyennes. Cette immigration est donc liée à un choix de politique de l’État.

Étude de cas dans le Bordelais

Chantal Crenn et Léa Béthancourt évoquent leur champ de recherche entre Saint-Emilion et Bergerac, un territoire qui a connu différentes vagues d’arrivées : des réfugiés espagnols, malgaches en 1947, chinois aussi, bref des migrations qui changent en fonction de la géopolitique.

Le territoire d’enquête est perçu comme « banlieue de Bordeaux ». Il y a en effet une migration de néoruraux mais aussi des travailleurs saisonniers qui s’installent mais n’y travaillent plus (loyers moins chers). Il faut aussi mentionner les « retournés » qui émigrent et reviennent. Du côté des ouvriers agricoles, notamment venus du Maghreb, il y a un phénomène de circulation entre ville et campagne. Par exemple, le phénomène de squat en ville augmente avec le besoin de main d’œuvre viticole. Inversement, des mineurs non accompagnés (MNA) peuvent être placés en campagne.

La migration rurale dans la presse

Sonia Reyne, journaliste, souligne en premier que ses articles ne sont pas lus par les personnes concernées mais les lecteurs locaux. Par exemple, dans La Tribune, un journal qui s’adresse aux décideurs économiques, on évoque les associations qui accompagnent les entreprises. Rédiger un article pour la Tribune implique d’orienter le contenu davantage sur la question du travail des immigrés plutôt que d’interroger leur situation.

Pour de la presse nationale généraliste, il s’agira plutôt de donner une « carte postale » : comment on accueille les migrants sur tel territoire pour offrir la possibilité de transposer les situations à d’autres territoires.

Autre sujet difficile : la suite de l’histoire. Par exemple, que sont devenus les français d’Indochine installés dans les territoires ruraux ? Cela n’intéresse pas les rédactions.


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