La régularisation des personnes en situation irrégulière occupant un métier en tension — Table ronde #6

Pour la sixième table ronde des rencontres « Médias, Migrations », nous revenons sur le projet de loi immigration-asile, en cours d’étude au Conseil d’État. Notre débat portera sur la proposition de régularisations de personnes en situation irrégulière qui occupent un métier dit « en tension ». Économistes et journalistes analyseront les ressorts et effets économiques d’une réforme en cours et son traitement médiatique. 

Introduction  

  • Charlotte Recoquillon, Désinfox-Migrations
  • Hélène Thiollet, CNRS CERI Sciences Po, projet PACE

Intervenant·es

  • Francesca Sirna, sociologue
  • Sarah Schneider-Strawczynski, chercheuse en économie de la Paris School of Economics
  • Céline Mouzon, journaliste chez Alternatives économiques
  • Laurent Neumann, journaliste chez BFM 

Compte-rendu

Pour Sarah Schneider-Strawczynski, la mesure phare est de donner un titre de séjour d’une durée 1 an pour les métiers en tension, s’ils sont déjà présents depuis 3 ans. Il y a déjà un système qui existe de ce type depuis 2008 avec un décret, complété par la circulaire Valls de 2012. 

Combien de personnes pourraient alors être concernées ? Les métiers en tension manquent de main d’œuvre qui bloque la croissance de leur secteur, notamment car il s’agit de métiers difficiles. Régulariser permet une meilleure intégration sur le marché du travail avec des bénéfices également sur la fiscalité. Un meilleur accès au système de santé est possible avec des soins préventifs permettant de réduire à long terme les coûts de santé.

Les études en économie démontrent  que la régularisation entraîne une baisse de la criminalité. Les enfants des parents régularisés sont également davantage éduqués. 

Francesca Sirna, sociologue précise que tous les métiers de la santé ne sont pas concernés (les infirmiers sont notamment exclus). Il faut aussi une autorisation de l’Agence régionale de santé avec une épreuve de vérification des connaissances. Le titre de 1 à 4 ans risque de ne pas résoudre la question de la pénurie de personnel hospitalier en France. L’enjeu c’est la reconnaissance des diplômes, qui n’est pas prévue dans la réforme proposée.

Finalement ce système n’est pas attractif : il faudrait des cartes de séjour à plus long terme. De plus, il y a un risque de vider les pays d’origine des professionnels de santé

Pour Céline Mouzon, journaliste chez Alternatives Economiques, le sujet est technique, à la frontière entre le droit du travail et de l’immigration, ce qui le rend complexe et difficile à retranscrire pour le lectorat. Le système actuel implique un pouvoir discrétionnaire du préfet, avec une dépendance de l’employeur. La réforme est, de ce point de vue, une avancée par les garanties proposées aux travailleurs. La conception reste très utilisatrice des travailleurs avec une progression pour faire valoir ses droits, avec une régularisation de plein droit. Bien entendu, des restrictions dans les faits ou en pratique sont possibles.

Se pose aussi la question du périmètre des métiers en tension. Il y a un gros enjeu pour savoir lesquels placer dans les métiers en tension. L’hôtellerie se positionne en faveur de la régularisation mais il y a beaucoup d’autres secteurs qui n’ont pas encore réagi.

Dans le projet de loi, il y a une restriction qui permet de soustraire à la période de séjour des temps de séjour en tant qu’étudiant ou demandeur d’asile. Les débats pourraient inclure de nouvelles restrictions : par ex. les temps partiels seront-ils inclus ?

Pour Laurent Neumann, journaliste chez BFM, plusieurs questions émergent sur le sujet. Pourquoi de 1 à 4 ans ? A la fin que se passe-t-il de la famille de la personne ? Pour l’hôpital, il y a déjà beaucoup de médecins étrangers actuellement, qui sont moins bien payés, y aura-t’il réévaluation ? On ne sait pas non plus combien de personnes vont être concernés et pour quel périmètre ? L’idée de départ est juste pour l’intégration par le travail mais des précisions sont nécessaires.

Francesca Sirna s’interroge aussi de la question de la répartition du personnel médical : restent-ils au même endroit ? Le syndicat des personnels hospitaliers a rencontré une personne du ministère à ce sujet et se pose la question des procédures déjà en cours non finalisées.


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