Une politique du droit d’asile efficace ?

Réalisé en partenariat avec le CRID Réalisation : Émilie Blondy et Perin Emel Yavuz Désinfox-Migrations — CC-BY-NC-ND — 2023

La loi dite « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » est actuellement en cours de discussion à l’Assemblée nationale. Peu présenté dans le débat public, le volet asile associe rapidité du traitement des demandes d’asile et efficacité de la politique d’asile. Il s’agit d’une approche problématique qui risque de contribuer à de nombreux reculs par rapport à la tradition française en matière d’asile — une tradition instaurée au lendemain de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

On fait le point avec Laurent Delbos, juriste, Forum Réfugiés.

Quelle place la question de l’asile occupe-t-elle dans le débat autour de la loi immigration ?

On constate que la place de l’asile, du droit d’asile, dans les débats autour de la loi sur l’immigration est très limitée. On parle beaucoup de l’accès à la santé, de l’aide médicale d’État, de l’éloignement des étrangers constituant une menace à l’ordre public, ainsi que de la régularisation des travailleurs sans papiers. En réalité, on oublie que ce projet de loi comporte également une dimension importante relative à l’exercice du droit d’asile, et que la loi aura un impact considérable sur cet exercice en France.

La rapidité est-elle un gage d’efficacité dans le traitement des demandes d’asile ?

L’idée directrice du projet de loi, qui consiste à penser qu’on pourrait être plus efficace dans notre système d’asile en accélérant les procédures, est erronée. Cette loi vient en fait diminuer un ensemble de garanties procédurales et reculer de nombreux aspects de notre système d’asile.

Le premier volet concerne l’instruction des demandes d’asile. La loi introduit des dispositions visant à accélérer cette instruction, notamment en réduisant la phase écrite de la demande d’asile, ce qui entraîne une moindre prise en charge et un traitement moins accompagné par des professionnels. De même, la phase de recours est accélérée, avec notamment une généralisation des jugements à juge unique auprès de la Cour nationale du droit d’asile.

En analysant la loi, on constate qu’elle a également des conséquences sur l’accueil des demandeurs d’asile. Plusieurs dispositions viennent limiter ou supprimer certaines aides accordées aux demandeurs d’asile, ainsi qu’étendre la possibilité de placement en centre de rétention administrative pour une partie importante des demandeurs d’asile considérés comme ayant une demande moins légitime.

Étonnamment, la loi limite également la possibilité d’intégration pour les personnes ayant obtenu une protection, en restreignant considérablement le champ de la réunification familiale. Pourtant, la réunification familiale est un élément crucial de l’intégration pour les personnes protégées.

L’efficacité ne réside pas dans la rapidité, mais dans la capacité d’un système à ne pas passer à côté des besoins de protection. Cela implique d’analyser dans leur complexité les situations individuelles des demandeurs d’asile.

Quelles garanties pour un système d’asile de qualité ?

La France traite l’asile depuis plus de 70 ans avec cette complexité et se dote des moyens nécessaires pour traiter ces demandes avec toutes les précautions requises. Il est crucial que les instances en charge de l’asile disposent des moyens et garanties procédurales suffisants, ainsi que des conditions d’accueil adéquates pour garantir un traitement juste et humain des demandes d’asile.

Chaque demande d’asile doit être examinée individuellement, quel que soit le pays d’origine du demandeur, afin de déterminer s’il présente des craintes individuelles en cas de retour. Il est important de reconnaître que même les personnes venant de pays considérés comme stables peuvent avoir un besoin de protection avéré et des craintes en cas de retour dans leur pays d’origine.

EURADIO

Une chronique de 2 minutes et 30 secondes toutes les semaines sur une thématique en lien avec les migrations. 

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